2022 CAF 211

Ottawa, le 6 décembre 2022 - La Cour d’appel fédérale (les juges Pelletier, de Montigny et Locke) a rendu aujourd’hui un arrêt dans le dossier A-311-19 : International Air Transport Association c. Office des transports du Canada, 2022 CAF 211. Les paragraphes qui suivent donnent un résumé non officiel des motifs du jugement de la Cour.
Résumé des faits
En mai 2018, le Parlement a adopté la Loi sur la modernisation des transports, L.C 2018, ch. 10, qui modifiait la Loi sur les transports au Canada, L.C. 1996, ch. 10 (LTC), par l’ajout de l’article 86.11. Cette nouvelle disposition exige que l’Office des transports du Canada (Office) adopte des règlements imposant certaines obligations aux transporteurs aériens, notamment quant aux retards et annulations de vols, au refus d’embarquement et à la perte ou à l’endommagement des bagages. En avril 2019, en vertu du paragraphe 86.11(2) de la LTC, le ministre des Transports (ministre) a donné la Directive concernant les retards de trois heures ou moins sur l’aire de trafic, DORS/2019-110 (Directive), pour ordonner à l’Office d’adopter des règlements imposant aux transporteurs aériens l’obligation de fournir aux passagers des renseignements et de l’assistance en temps opportun en cas de retard de trois heures ou moins sur l’aire de trafic. À peu près au même moment, l’Office a adopté le Règlement sur la protection des passagers aériens, DORS/2019-150 (Règlement), qui impose des obligations - y compris une obligation de responsabilité - aux transporteurs aériens en ce qui concerne les retards sur l’aire de trafic, les retards et annulations de vols, le refus d’embarquement et la perte ou l’endommagement des bagages lors des voyages aériens intérieurs et internationaux.
Les appelantes contestent de nombreuses dispositions du Règlement au motif qu’elles excèdent les pouvoirs que la LTC confère à l’Office. Elles allèguent que ces dispositions contreviennent aux obligations internationales du Canada en vertu de la Convention pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international, 28 mai 1999, 2242 R.T.N.U. 309 (Convention de Montréal). Elles allèguent également que plusieurs dispositions du Règlement constituent un excès de pouvoir parce qu’elles ont des effets extraterritoriaux inadmissibles, qui violent les notions fondamentales du droit international. Enfin, les appelantes contestent la Directive du ministre au motif qu’elle excède les limites imposées par sa loi habilitante.
Décision
Concernant deux points préliminaires, la Cour a d’abord conclu qu’elle avait compétence pour se prononcer sur la validité de la Directive du ministre puisque ce point n’a pas été soulevé comme une question litigieuse distincte, mais plutôt dans le cadre de la contestation des dispositions du Règlement. Ensuite, la Cour a conclu que les tribunaux doivent prendre connaissance d’office du droit international coutumier et des traités qui ont été ratifiés et mis en œuvre en droit canadien. Les éléments de preuve visant à formuler un avis juridique sur l’interprétation ou l’application d’une convention internationale sont donc inadmissibles. Par conséquent, la Cour n’a pas pris en
considération les témoignages d’experts fournis par les parties sur l’interprétation de la
Convention de Montréal - puisqu’il s’agit d’une question qu’il appartient aux juges de trancher.
Le régime d’indemnisation minimale des passagers exigé par le Règlement en cas de retard, d’annulation, de refus d’embarquement et de bagages perdus ou endommagés est compatible avec la Convention de Montréal. Dans le contexte de l’indemnisation minimale en cas de retard, le régime du Règlement, en ce qui concerne la responsabilité des transporteurs aériens, est d’une nature entièrement différente de ce qui était envisagé par la Convention de Montréal. Le régime d’indemnisation minimale établi par la LTC et le Règlement est nettement différent d’une action en dommages-intérêts en vertu de la Convention de Montréal. Il est non seulement fondé sur une forme d’indemnisation standardisée et uniforme en vue de fournir aux passagers une information et une protection claires et transparentes, et d’éviter l’application désordonnée des divers tarifs applicables aux transporteurs, mais il est également mis en œuvre par un mécanisme administratif plutôt que par voie d’action en dommages-intérêts. Pour les mêmes raisons, l’indemnisation minimale en cas d’annulation et de refus d’embarquement prévue par le Règlement ne relève pas du champ d’application de l’article 19 de la Convention de Montréal.
Enfin, l’obligation de rembourser des frais pour les bagages perdus ou endommagés ne contrevient pas à la Convention de Montréal. Toutefois, le législateur entendait uniquement autoriser l’Office à réglementer l’indemnisation minimale pour les bagages perdus ou endommagés, et non pour les bagages retardés. Le paragraphe 23(2) du Règlement, qui impose une responsabilité en cas de perte temporaire de bagages pendant « vingt et un jours ou moins », excède donc les limites de la LTC.
Le Règlement n’a pas d’effets extraterritoriaux inadmissibles qui violent la souveraineté territoriale des États étrangers, puisqu’il ne porte pas atteinte à la souveraineté des États étrangers sur l’espace aérien au-dessus de leur territoire. Il impose des obligations aux transporteurs relativement aux renseignements fournis aux comptoirs de service et aux bornes en libre-service, sur les billets imprimés et aux portes d’embarquement des aéroports, ainsi que des obligations de compensation en cas de vols retardés ou annulés et de refus d’embarquement. À proprement parler, aucune de ces obligations n’a d’incidence sur la manière dont les transporteurs aériens exploitent les vols, ni ne vise à influer ou à empiéter sur l’espace aérien d’un autre État. De plus, le régime global régissant le transport aérien en vertu de la LTC et du Règlement, et la façon dont ils ont été appliqués et interprétés depuis leur adoption, appuient l’opinion selon laquelle l’intention du législateur était de donner au Règlement une portée extraterritoriale. Enfin, la portée extraterritoriale du Règlement ne contrevient pas aux principes du droit international régissant la souveraineté et la territorialité des États. Le Règlement n’a pas pour objet de permettre son application en sol étranger ni d’autoriser une enquête dans un pays étranger pour une inobservation survenue dans ce pays. Bien au contraire, le Règlement prévoit que les passagers concernés peuvent réclamer les indemnités respectives applicables directement auprès du transporteur aérien.
La Directive du ministre obligeant l’Office à prendre des règlements concernant les retards de trois heures ou moins sur l’aire de trafic n’excède pas les pouvoirs que conférés par le paragraphe 86.11(2). Les pouvoirs conférés au ministre sont assez larges, et rien n’indique que l’intention était de limiter le pouvoir discrétionnaire du ministre aux questions qui sont, à proprement parler, étrangères et sans rapport avec celles énumérées au paragraphe 86.11(1). La
Directive et l’article 8 du Règlement sont compatibles non seulement avec le libellé du paragraphe 86.11(2) de la LTC, mais aussi avec le contexte et l’objet de la LTC dans son ensemble. Puisque le ministre n’a pas outrepassé la portée et les limites de son pouvoir en vertu du paragraphe 86.11(2) de la LTC, la Directive et l’article 8 du Règlement sont valides.
Prochaines étapes
Une demande d’autorisation d’interjeter appel peut être présentée à la Cour suprême du Canada dans les 60 jours qui suivent.
Documents pertinents
Motifs du jugement rendus par la Cour :
https://decisions.fca-caf.gc.ca/fca-caf/decisions/en/item/521067/index.do (ANG.)
https://decisions.fca-caf.gc.ca/fca-caf/decisions/fr/item/521067/index.do (FRA.)
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